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L'intelligence artificielle redéfinit la chaîne de valeur de Porter 

Par Anne Dastugue
Publié le 21 mai 2025, 10h05
lecture 10 mn

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Conçue dans les années 1980 par Michael Porter, la chaîne de valeur demeure un outil d’analyse stratégique majeure. Elle permet de décrypter les activités internes d’une entreprise selon deux grandes catégories : les activités principales – telles que la logistique, la production, la commercialisation ou le service – et les activités de soutien – comme les ressources humaines, la gestion des systèmes d'information ou encore les infrastructures. Si cette structuration reste pertinente, l’émergence de l’intelligence artificielle générative (IAG) remet en question certains équilibres, en transformant profondément la manière dont les entreprises optimisent, coordonnent et articulent les différentes activités de soutien.
 
Contrairement aux générations précédentes d’automatisation, l’IAG ne se contente pas d’exécuter des tâches répétitives. Elle produit du texte, du code, des images, des synthèses ou encore des scénarios, en fonction de données contextuelles. Son intégration dans les fonctions "supports", souvent perçues comme secondaires ou non créatrices de valeur– est en train de bouleverser l’ensemble de l’écosystème d’une organisation tant publique que privée.
 
Dans la gestion des ressources humaines, par exemple, les outils génératifs sont désormais capables de rédiger des offres d’emploi personnalisées, d’automatiser les réponses aux candidatures, de créer des parcours de formation sur mesure ou encore d’analyser des entretiens en croisant langage verbal et non verbal. Les fonctions RH deviennent ainsi plus agiles, réactives, voire prédictives.
En matière de systèmes d'information, les interfaces basées sur le langage naturel permettent une démocratisation de la data. Là où l’analyse de données nécessitait des compétences techniques spécifiques, l’IA générative rend possible la création de tableaux de bord ou la formulation d’hypothèses par simple requête en langage courant. 
Dans le domaine de la logistique plusieurs changements sont également visibles. Un service SI augmenté par l’IA est maintenant capable de simuler des chaînes d’approvisionnement alternatives ou d’anticiper les ruptures. La gestion des infrastructures, souvent considérée comme peu flexible, intègre des outils de monitoring génératif permettant une supervision proactive et automatisée des risques.
 
Ce basculement technologique impose donc, une relecture de la chaîne de valeur. Les activités de soutien ne sont plus des fonctions indirectes, mais pourraient devenir grâce à l’intelligence artificielle générative, des centres de création de valeur cognitive. Leur rôle ne se limiterait plus à « supporter » les activités principales, mais à les nourrir, les enrichir, les faire évoluer en temps réel.
Dans cette perspective, l’entreprise se transforme en un écosystème d’activités interconnectées, où chaque fonction – y compris celles traditionnellement en arrière-plan – devient une zone d’innovation potentielle. Les silos organisationnels s’effacent au profit d’un pilotage intégré, où l’IA joue le rôle d’interface entre les savoirs, les données et les usages.
 
Ces transformations posent de nombreuses interrogations : quelle gouvernance mettre en place pour encadrer l’usage de l’IA dans des fonctions sensibles ? Quelle formation pour les professionnels concernés ? Quelle articulation entre les compétences humaines et les capacités de génération automatique ? Si l’IA génère, il reste à l’humain la responsabilité d’interpréter, de valider et d’orienter.
En revisitant les activités de soutien à l’aune de l’IA générative, la chaîne de valeur se dote donc d’une nouvelle dimension : celle de la réflexivité. L’entreprise n’est plus seulement un ensemble d’activités coordonnées, mais un système apprenant, capable de générer ses propres modèles, d’identifier ses propres dysfonctionnements, voire de proposer ses propres voies d’amélioration. Au final, les fonctions de soutien pourront être considérée comme des leviers de compétitivité à part entière.
L’IAG, si elle est pensée comme un partenaire stratégique et non comme un gadget technologique, pourrait bien dans les années ou mois à venir transformer durablement les logiques de création de valeur.

 

Anne Dastugue.

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